C’est l’histoire d’une langue. Une langue qui sort des bouches et vole aux quatre vents, qui transmet des sons et résonne à l’oreille présente, une langue qui a une histoire similaire à l’arbre qui tombe en forêt où il n’y a personne pour en entendre le bruit et que l’on se demande s’il a émis un son si personne n’y est pour l’écouter. Une langue qui, tous les jours, prend la forme de mots, de phrases, de grands discours ou de simples leçons de vie. Elle prend aussi la forme d’amour quand les yeux ne peuvent en dire assez, ou de bonheur quand les gestes sont insuffisants. Une langue que moi-même j’essaie de comprendre et d’y apprendre les nouveaux sons que ma bouche n’a jamais faits.
La beauté dans l’histoire de cette langue c’est qu’il s’y cache derrière des décennies de savoir et de découverte par la contemplation de la nature et de son environnement, le trésor d’un peuple entier qui a migré à travers différents pays depuis un temps que je n’ose même imaginer et la raison qui les a gardés fort et uni, beau et unique.
Ce pourrait être l’histoire de n’importe quelle autre langue, celle du français au Canada, du flamant en Belgique, la même bataille d’un peuple fier s’entend en trame sonore. Ce pourrait aussi être l’histoire d’une autre langue de n’importe quel autre pays de l’Afrique ou du monde, ils en ont tous, mais je me contenterai de l’histoire qu’on m’a contée, celle que je connais et que j’en apprends de nouveaux chapitres dans le désordre à chacun de mes jours accumulés dans la poussière casamancienne. C’est donc l’histoire du Jolas, Diola, Djolas,… Prenez celui que vous voulez, ils ont tous leurs particularités.
Ce qu’il faut surtout savoir dans une telle histoire c’est la fin, car le début s’éterniserait en plusieurs volumes et je perdrais votre attention dans la minute à venir. La fin parce qu’elle est plus près que l’on peut croire. Elle a en fait la même fin que plusieurs autres histoires qui ont les mêmes causes communes.
L’histoire d’une langue marque son dernier point et referme sa quatrième page de couverture lorsqu’elle est vaincue, remplacée par une autre plus forte, quand elle s’arrête d’émettre ses ondes aux quatre vents, quand, comme l’arbre, elle tombe et qu’il n’y a personne autour pour en entendre le son. Elle devient mythe lorsqu’elle n’a jamais été enseignée à l’école, ni à l’écrit, ni à l’oral, et qu’il est ainsi impossible d’en développer sa littérature, de s’amuser avec ses mots, d’en écrire des livres ou de la poésie, des histoires pour enfant, un journal intime ou une lettre d’amour. Elle ne devient qu’un souffle passé quand les jeunes désertent les villages et s’installent en grande ville où elle se fait, petit à petit, oubliée, remplacée. Elle est mordue et savonnée, coupée et vinaigrée, quand elle se fait remplacer par un système d’éducation français complètement mésadapté où l’on n’y met pas même une case à l’horaire de l’écolier pour son enseignement et en apprendre les bases, seulement en guise de respect à la culture locale.
En occident, on parle de mondialisation, ou globalisation, on se dit que c’est normal, que c’est l’évolution. Ici, on appelle ça de la colonisation moderne. Plus besoin d’y débarquer nos troupes et de risquer la vie de nos gens, suffit maintenant d’y ouvrir des écoles, d’y enseigner notre langue et d’omettre la leur. On les affaiblit, telles ces mines antipersonnel qui ne servaient pas à tuer mais bien à blesser.
Je me suis donc retrouvé au milieu de cette histoire, quelque part entre octobre 2014 et aujourd’hui, en train de m’imprégner d’une culture qui m’était jusqu’à présent étrangère, sans savoir non plus quel impact elle aurait sur moi…
Les rues ensablées se braquaient sur moi comme la glace d’un miroir où se formait le mirage de ce que je suis; le petit blanc québécois canadien qui globe-trottait avec ses micros pour enregistrer on ne sait quoi encore et qui offrait des dons en échange de ce qu’ils avaient besoin. Mais de quoi au juste ? Je pensais, de mon côté de l’océan et de mes pieds qui ne se sont jamais salis de la poussière d’ici, que ce qu’ils auraient le plus besoin seraient des denrées, des poches de riz, de la nourriture quelconque, mais ils en ont déjà de ça, ils en ont des champs pleins même. Ce qu’ils veulent, c’est de l’investissement, un moyen de déployer leurs ailes, se rendre la vie plus facile, pas seulement pour demain mais pour les jours à venir. Ce dont ils ont besoin, c’est cette chance que le gouvernement ne leur donnera jamais.
Comment alors trouver un investissement qui renforcerait leur culture, qui rapporterait un peu d’argent à eux et leur communauté et qui garderait par le fait même les jeunes dans leurs villages auprès de leur famille?
Alors pourquoi ne pas leur donner les moyens nécessaires pour en garder l’emprunte, les outils pour qu’elle s’écrive sur les pages du temps et les connaissances pour qu’elle s’y mêle et s’entre liche avec les autres, y mélange sa salive, qu’elle embrasse, qu’elle french, make out, qu’elle fonom, qu’elle puisse s’amuser avec les autres au centre d’une orgie littéraire mondiale.
Voilà où j’en suis. Je passerai donc le prochain mois à enregistrer de la musique de groupes locaux et vous informer comment les derniers dons seront distribués. Il ne reste que deux semaines avant la clôture des dons, pour ceux qui veulent faire partie de cette grande aventure, c’est le moment où jamais. Merci à ceux qui ont déjà donné. Les sourires se comptent par millier.
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This is the story of a language. A language coming out of a mouth and flying with the wind, transmitting sound and resonates to the ear, a language that has a similar story to the tree falling in the forest where there is nobody to hear the noise and wonder if it made a sound if no one was listening. A language that takes form of words, phrases, or simple life lessons. It also takes the form of love when the eye cannot say enough, or happiness when gestures are insufficient. A language that I myself am trying to understand and learn the new sounds that my mouth has never made.
The beauty in the story of this language is that it hides decades of knowledge and discovery by the contemplation of nature and the environment, the treasure of an entire people who migrated through different countries and the reason that kept them united and strong, beautiful and unique.
This could be the story of any other language, the language of French in Canada, the flamingo in Belgium, the same battle of proud people can be heard in the background. It could also be the story of another language of any other country in Africa or the world, they all have one, but I will stick to this story only, the one I know and learn new chapters in random order every day accumulated on the Casamance dust. This is the story of Jolas, or Diolas, Djola. Pick the one you want, they all have differences.
The thing you especially need to know in such a story is the end, because the beginning is immortalized in several volumes and I would lose your attention in the next minute. The end because it is closer than you can realize. It has the same ending as several other stories and for many, with the same common causes.
The story of a language marks its last point mark and closes its fourth cover page when it’s defeated, replaced for a stronger one, when it stops transmitting its resonation to the wind, when, like the tree, it falls and there is no one around to hear the sound. It becomes a myth when it’s never been taught in school, nether written, nor spoken, and so impossible to develop its literature, to have fun with the words , to write books or poetry, stories for children, a diary or a love letter. It becomes a breath from the past when the younger ones are leaving the villages and settle in large cities where it’s gradually forgotten. It is bitten, soaped and cut when it is replaced by a French education system not adapted where it’s not even on the student’s schedule to learn the basics, just to respect the local culture.
In the West, we speak of globalization, we say that it’s normal, it’s evolution. Here, it’s called modern colonization. No needs to send troops and risk the lives of our people, just need to open a school, to teach our language and to omit theirs. Make them weak, like the landmines that were used to hurt and not to kill.
I found myself in the middle of this story, somewhere between October 2014 and now trying to immerse myself in a culture that was unknown to me, without also knowing what impact it would have on me …
The sandy streets were shining on me like the ice of a mirror forming the mirage of who I am; a little white dude from Quebec, Canada, globe-trotting with microphones to record who knows what and offering donations for what they need in exchange. But what do they need exactly? I thought, on my side of the ocean with feet that have never been dirtied by the African dust, what they would need the most would be any kind of food, but they already have some, they have fields full of it. What they need is investment, a way to spread their wings, to make life easier, not just for tomorrow but for the upcoming days. What they need is the chance that the government will never give them.
Then, how do you find an investment that would strengthen their culture, that would bring some money to them and their communities and thereby keep young people in their villages with their families?
Why not giving them the tools to keep writing their story on the pages of time and the knowledge so it can play with the other languages, mix its saliva, kiss others, qu’elle embrasse, make out, it fonom, so it can have fun with the other ones in the center of a global literature orgy.
That’s where I am. So I will spend the next month recording local bands and inform you how the last part of the donations will be distributed. There are only two weeks left before donation time is close, for those who want to be part of this great adventure, it’s now or never. Thank you to everyone who has already given. Smiles are numbered by thousands.