Je suis sur une petite île au milieu de la brousse, loin de tout, loin de rien, loin de l’amour aussi, mais plus près que je ne l’ai jamais été. Comme si l’éloignement nous faisait prendre conscience de la proximité de nos sentiments.
Quand tout est près, que notre vie ne tourne qu’à quelques kilomètres de nous, que le reste est accessible au bout d’un doigt sur un écran tactile, c’est un sentiment de ventre plein qui remplie notre être. Tout ce que l’on veut, quand on le veut.
Mais quand tout est loin, que notre accès à notre entourage se limite à nos économies qui fondent sous la chaleur des fraies de longue distance et que la connexion Internet est encore un sujet de conversation synonyme du futur au village, la tête se vide, le coeur aussi, mais le sens y reste.
Quand nous ne manquons jamais de temps pour penser, philosopher avec le voisin, apprendre à cuisiner avec l’autre voisine, jouer la même mélodie des heures durant jusqu’à ce qu’elle soit bien maitrisée, écrire pour tout simplement écrire, par amour de former des phrases, d’imprimer des lettres sur du papier, de s’allonger et penser comment notre vie ne pourra jamais être, mais quand même espérer…
Quand nous ne manquons jamais de temps pour prendre le temps, de simples banalités se transforment aujourd’hui en petites mines d’or. Ce que nous croyons acquis, maitrisé et bien ancré en nous peut maintenant fleurir au grand jour et prendre toute la place nécessaire. Je parle de trucs simples. D’amour. De bonheur. De joie. De calme. De sérénité. Toutes ces petites choses qui n’ont jamais l’espace désiré pour grandir et prendre possession de notre corps.
Il y a juste trop de tout. Trop de travail. Trop d’obligation. Trop de facture. Trop de connaissance. Trop de choix. Trop de pression. Trop de projet.
C’est aussi un peu partout la brousse, même sur ma petite rue des érables à Montréal, ou dans ma camionnette jaune s’improvisant des maisons sur la route le temps d’une nuit ou deux. La brousse, elle est dans ma tête. Elle se crée. Elle est surtout un choix. Une vaste étendue où l’on laisse l’air circuler librement dans notre vie pour voir l’amour et le bonheur y courir et brouter comme ils veulent. Comme un grand champs de riz à ciel ouvert que l’on donne la liberté de pousser pour en récolter les grains.
C’est un peu ça la brousse…
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I am on a small island in the middle of the bush, far from everything, far from nothing, far from love, but closer than I have ever been. As if the distance made us aware of the proximity of our feelings.
When everything is close, that all our life is within a few miles from us, the rest is available at the tip of a finger on a touch screen, it is a feeling of a constant full stomach that fills us. Anything you want, anytime you want it.
But when everything is far, that the access to our surroundings is limited to our economies melting under the heat of long-distance fees and the Internet is still a word that rhymes with future in the village, your head is empty, the heart too, but the meaning remains.
When we never run out of time to think, philosophize with the neighbor, learn to cook with the other neighbor, play the same melody for hours until it is well controlled, just write to write, for the love to form sentences and to print letters on paper, to lie down and think about how our lives can never be, but still hope…
When we never run out of time to take the time, simple platitudes become today gold mines. What we believed acquired, mastered and well learnt can now flourish in the open and take all the necessary space. I’m talking about simple stuff. Love. Happiness. Joy. Calm. Serenity. All these little things that never have the desired space to grow and take possession of the body.
There is just too much of everything. Too much work. Too many obligations. Too many bills. Too much knowledge. Too many choices. Too much pressure. Too many projects.
The bush is also a little bit everywhere, even on my little Des Érables street in Montreal or in my yellow van improvising houses on the road for a night or two. The bush, it’s in my head. It is created. It is mainly a choice. A vast open space where one lets the air circulate freely in our lives to see the love and happiness run and graze like they want. Like a great rice field on the open sky that is given the freedom to grow to harvest its grains.
That’s how it is in the bush…